Programmes du futur

Publié le par Sandra

    Entourée comme je le suis de profs, ayant moi-même l'expérience de cette profession il faut bien l'avouer jamais satisfaite de "ce que devient le métier", je me représente assez bien le moment de stress, de lamentation et parfois de franche rigolade constitué par l'annonce venue d'en haut/la consultation (trop souvent la même chose, deux jours pour organiser une réunion, lire les propositions de programmes et faire des critiques constructives dans une équipe de cinq profs jamais là les mêmes jours, c'est complètement crédible, non ?) sur les programmes. Ceux du collège y sont passés l'année dernière, ceux du lycée pro s'y collent cette année. Le dada de l'inspecteur se trouve, comme par hasard, mis en vedette, les auteurs chiants et inconnus du XXe siècle dont les ayants droits ont de l'entregent se retrouvent propulsés sur les listes de lecture, une petite attaque de politiquement correct mâtiné de mauvaise conscience post-coloniale fait accorder autant d'heures de cours d'histoire en collège à l'empire du Malinké* qu'à Napoléon Bonaparte et les éditeurs s'en mettent plein les poches. Bref business as usual.
    Aussi, je n'ai pu m'empêcher de sourire en constatant aujourd'hui à la lecture de cet article du Guardian que les collègues et élèves britanniques sont peut-être encore plus dans la merde que ceux de France. En effet, une fuite a permis au journal qui suit avec attention tous les sujets d'éducation de révéler que le rapport prévoyant les nouvelles recommandations de modification des programmes du primaire conseillait de rendre obligatoire l'enseignement de l'utilisation de Twitter, des blogs et autres bidules internet, de Wikipedia comme source de savoir (et là, je ne rigole plus du tout, tous les profs du monde seront je pense d'accord avec moi**) et de rendre optionnelle l'étude de la période victorienne et de la seconde guerre mondiale.
    Parents d'élèves de France, réjouissez-vous, si sujettes à caution soient les réformes de celui qui n'est plus depuis la fin de l'année scolaire dernière mon révéré ministre, vos enfants n'en sont pas encore à apprendre en maternelle à configurer leur profil Facebook plutôt qu'à reconnaître leur main droite de leur main gauche et leurs trous de nez de ceux du voisin. Et en plus, quand ils passeront le brevet et peut-être le bac, ils auront leurs résultats sans les trois mois de retard subis ici l'année dernière et sans erreur dans l'attribution des notes (Vous avez passé le GCSE dans le Devon ? Voilà des notes de A-level de Glasgow ! Ben faites pas la gueule, celui qui a mis la note l'a mise au pif de toute façon). Ah oui, parce qu'une autre grande réussite du système éducatif anglais a été d'externaliser l'organisation de tous les examens nationaux auprès d'une boîte américaine qui s'est plantée dans les grandes largeurs***. Et c'était même pas ma bien-aimée Miss Maggy, la responsable de ce bon petit coup de privatisation.

*Pas d'affolement, sachant qu'aucun prof n'a été formé à l'histoire de l'Afrique de l'Ouest (aucune fac française ou presque ne propose d'UV sur le sujet), que la plupart des inspecteurs s'en tamponnent en fait le coquillard et que pour une fois le bon sens a des chances de prévaloir, cette réforme du programme passera à la trappe. Au pire, il existe de bons manuels et de toute façon le Premier Empire est au programme des bacs général, techno et pro.
**Croyez-moi, quand vous aurez lu vingt-cinq fois la même connerie dysorthographique copiée assidument par les élèves, quand ce n'est pas juste imprimée en rose ("Madame c'est plus joli"), proclamant qu'Auguste était le fils de César qui lui-même fut tué par son fils à qui il dit "Tu quoque filii" avant de mourir (vous n'avez qu'à aller chercher les vraies réponses sur Wikipedia) et entendu vingt-cinq fois la réponse suivante à vos doutes sur l'exactitude des renseignements "Mais Madame, ils le disent dans Wikipedia !" sur le ton de "Ils l'ont dit à la télé/dans le journal/dans la Bible en araméen", quand donc vous aurez subi ce traitement qui est hélas le triste quotidien de la communauté éducative mondiale, vous aussi, vous aurez des boutons quand vous entendrez parler de Wikipedia comme d'une source de savoir à indiquer chaudement aux enfants du primaire.
*** Plus de détails ici.

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